Demander à l'industrie de s'inspirer de la nature en développant les échanges entre industries de nature différente présentes sur un territoire : il suffisait d'y penser ! faire que le déchet de l'un soit la matière première de l'autre, bon sang mais c'est bien sûr !

Pourtant il a fallu attendre les années 90 pour que cette nouvelle approche -où la nature est un modèle de fonctionnement et pas seulement un réservoir de ressources- soit théorisée et popularisée dans le monde francophone par le célèbre livre de Suren Erkman : Vers une écologie industrielle.

Mais il fallait aller plus loin et en faire un modèle de raisonnement pour le fonctionnement de tout territoire, agricole ou urbain : s'intéresser à la circulation de matière et d'énergie et essayer de « fermer les cycles », de récupérer, dans cet art d'accomoder les restes cher à nos grand mères, tout ce qui est utile pour éviter de rejeter d'un côté dans la biosphère ce dont on n'a plus besoin pour aller de l'autre rechercher dans la biosphère de nouvelles ressources. Et ça marche! que l'on parle d'agro-écologie intensive dans l'agriculture ou d'écologie territoriale c'est une autre vision des rapports entre l'homme et la nature qui s'impose.

J'ai participé le 17 octobre aux premières rencontres francophones de l'écologie industrielle et territoriale, à Troyes. 40 territoires en France sont en train de bâtir des projets d'écologie industrielle et territoriale, créant de nouvelles synergies entre entreprises et avec les collectivités lovales. En Suisse, le canton de Genève a rendu la démarche constitutionnelle. En Belgique elle est inscrite dans l'agenda politique. Au Québec une université des transferts technologiques se crée. Et la traduction en chinois du livre de Suren Erkman a contribué à forger la doctrine de l'économie circulaire, la bien nommée, qui est une des bases du 12ème plan.

Au moment où l'échec cinglant de Rio+20 montre l'incapacité des Etats à s'unir au service du bien commun, laissant les citoyens dans l'impuissance, cette dynamique mérite d'être connue, encouragée, copiée. Et surtout il faut comprendre quels sont les ingrédients de son succès et la possibilité de s'en inspirer. je vois les suivants :

  • dès l'origine, le mouvement a eu de solides fondements théoriques et un ouvrage de vulgarisation qui en a été l'étendard; il renouvelait le regard sur l'économie en proposant de nouveaux jeux "gagnant gagnant" avec un mode d'emploi opérationnel, celui des "symbioses industrielles" avec Kalenborg comme modèle concret ;
  • très vite, l'Université technologique de Troyes, comme l'université de Lausanne, ont créé des formations supérieures spécialisées, donnant une légitimité académique au concept et formant un corps "d'experts militants" devenant des propagandistes de la doctrine ;
  • le mouvement tombait à point et rejoignait un mouvement de pensée plus large, dans l'agriculture, dans les villes, qui a ringardisé l'approche traditionnelle du développement industriel et du consumérisme ;
  • et surtout, le mouvement se développe parce qu'il est au croisement des deux acteurs majeurs du futur : les territoires et les filières globales de production.

Comment aller encore plus loin et vite ? je propose trois pistes :

  • documenter le développement du mouvement pour que ses leçons lui servent et servent aux autres ;
  • construire et mettre à disposition une vraie base d'expériences qui permette aux exemples de circuler ;
  • renforcer les alliances avec les autres mouvements qui contribuent à passer de l'économie à l'œconomie, juste retour aux sources puisque l'oeconomie était l'art d'assurer le bien être de tous dans le respect de la rareté des ressources.

Dans la sinistrose actuelle, rien ne serait plus salutaire.