Le gouvernement a promis un grand débat national sue la politique énergétique de la France. Bravo. Cela pourrait répondre à la double crise : de la démocratie ; du modèle de développement. Le gouvernement est-il prêt à s'en donner les moyens ou va-t-on avoir un nouveau débat avorté, frustrant pour les citoyens qui y avaient cru ? ce n'est pas sûr : L'obsession de passer dès le printemps une loi programme sur l'énergie et la préparation d'une nouvelle loi de décentralisation, déconnectée des conclusions du débat sur l'énergie sont deux signes préoccupants

Le débat national doit contribuer à surmonter la crise de la démocratie. Les citoyens croient de moins en moins que leur vote change quoi que ce soit. Ils n'ont pas le sentiment qu'ils peuvent délibérer sur les grands défis de leur époque. L'énergie, au coeur de leur quotidien et déterminante pour leur avenir, est l'occasion rêvée de redonnner foi dans une démocratie réelle. Si le débat est superficiel, pour du beurre, il contribuera au désenchantement.

L'expérience internationale des débats citoyens permet d'avancer six principes, six conditions du succès :

  • une démarche de bas en haut, organisée d'abord à l'échelle de chaque région française ;
  • la mise à disposition des citoyens dès le départ d'une solide base de connaissances et d'expériences, accessible sur un site web, faisant une place équilibrée aux différents points de vue ;
  • l'expression de la diversité des points de vue, notamment socio-professionnels et ne pas laisser le monopole du dialogue aux professionnels de la concertation ;
  • le recueil let l'analyse en commun les expériences les plus significatives, notamment en provenance de l'étranger ;
  • l'élaboration de façon pluraliste de "cahiers de propositions", reliés aux plans climat et agenda 21 existants de manière à faire déboucher l'échange sur l'action ;
  • la construction des synthèses de façon rigoureuse et transparente !

Tout cela prend du temps, nécessite un minimum de moyens, mobilise les acteurs professionnels au service des citoyens. Mais mieux vaut pas de débat du tout qu'un débat bidon!

La préparation de la loi sur l'énergie se fait en même temps que celle sur la décentralisation. Danger ! car précisément la réflexion sur l'énergie peut renouveler en profondeur la conception française de la décentralisation et de la gouvernance. S'il est bien un domaine où différents niveaux de gouvernance doivent travailler ensemble c'est bien l'énergie ! En Europe, les collectivités territoriales sont en avance sur les Etats car c'est le bon niveau pour repenser le mode de vie, les transports, l'habitat la grande distribution, l'éducation, les productions décentralisées d'énergie renouvelable. Mais les régions ne sont pas isolées, l'Etat reste décisif pour l'établissement des normes, pour l'interconnexion des systèmes locaux, pour la mobilisationdes financements.

L'énergie est donc l'exemple par excellence du besoin d'une gouvernance à multi-niveaux. Or la pensée française sur la décentralisation, fondée sur le principe « charbonnier est maitre chez lui » méconnait depuis les premières lois de décentralisation cette nouvelle nécessité de la gouvernance, celle de fonder les politiques publiques sur le principe de subsidiarité active. Le débat national sur l'énergie débouchera de façon presqu'inéluctable sur cette conclusion. Que se passera-t-il si elle est publiée le lendemain d'une loi de décentralisation qui dit l'inverse ?

Et de quoi va-t-on débattre ? seulement de scénarios ? cela fait 20 ans qu'on nous ressert des scénarios où les inflexions majeures sont pour demain... un demain sans cesse repoussé. Le Grenelle de l'environnement de 2007 concluait déjà à l'importance de la rénovation thermique des logements. Quel début d'exécution ? on va recommencer la même chose, annoncer que demain on rase gratis ? Pour sortir de cet angélisme il faut ne pas parler seulement de solutions techniques et de grands investissements mais des outils mêmes de l'action économique.

On ne sortira pas de la contradicton entre nécessité de relancer la croissance et de développer l'emploi d'un côté et nécessité de réduire la consommation et la facture énergétique de l'autre tant que l'on utilisera la même monnaie pour l'un et l'autre. Si le débat porte aussi sur le renouvellement de la pensée et de l'action économique, s'il prend en compte l'hypothèse de quotas individuels et territoriaux négociables, il aura une immense portée. S'il s'en tient au classique ronron il passera à côté de son but