En 1991, des assises du développement rural organisées par un regroupement d'organisations fédérées dans Solidarité rurale, depuis des organisations d'agriculteurs jusqu'aux collectivités locales ont jeté les bases d'une politique originale de développement local.

Dans une province si vaste et si peu peuplée, frappée comme partout ailleurs d'exode rural, où l'immigration depuis l'étranger se concentre dans les grandes villes, avec des villages perdus là haut dans le Nord, quand la forte cohésion d'un monde autrefois fermé sur lui même et fortement encadré par l'Eglise subit le choc de l'individualisme, de la TV et de la consommation, la désertification et le sentiment d'isolement social et personnel menacent.

Ces premières assises ont jeté les bases d'un fonds de développement rural cogéré dont l'originalité a été saluée en son temps par l'OCDE. Cette politique en est en 2012 à sa deuxième révision, selon une démarche collective de réflexion chère à Solidarité rurale.

J'étais invité le 15 octobre, dans le cadre de ces nouvelles assises, à donner une conférence sur les nouvelles approches du territoire et sur la gouvernance. J'ai été séduit par l'atmosphère studieuse et chaleureuse qui régnait, par le professionnalisme sans pédanterie de l'animation qui permet une vraie réflexion collective.

Je leur ai parlé des défis du monde, du rôle éminent qu'auraient à jouer les territoires et les réseaux de territoires pour les relever, des dimensions de la transition à conduire -l'émergence d'une communauté mondiale, la révolution de la gouvernance, le besoin d 'une éthique commune de la responsabilité, le passage de l'économie à l'oeconomie- de la nouvelle manière de concevoir et d'analyser la nature des territoires, leurs métabolisme, leur gouvernance,. C'est ce qu'ils attendaient.

Comme partout dans le monde, de multiples innovations sociales sont à l'oeuvre au plan local au Québec. Mais elles ont le sentiment d'être des gouttes d'eau dans l'océan, des palliatifs à l'impossibilité d'avoir prise sur son destin. Leurs promoteurs ont besoin de se situer dans une aventure plus vaste, d'en faire partie, de se nourrir de ce qui se passe à l'autre bout du monde, de redéfinir leurs cadres de pensée.

Ca pose le problème de la formation et du rôle des animateurs du développement local. Ils se considèrent comme des accoucheurs, des facilitateurs, des animateurs de groupe. C'est vrai que c'est essentiel, mais il faut qu'ils deviennent aussi des médiateurs entre la communauté territoriale et le reste du monde, qu'ils puissent élargir à l'échelle internationale l'échange d'expériences, qu'ils aident leur communauté à se situer dans la vaste aventure de la transition du 21ème siècle. Du pain sur la planche pour une nouvelle conception de l'éducation populaire