Voila le débat national sur l'énergie sur la place publique. Le 3 décembre, France Inter recevait à l'heure de la plus grande écoute Laurence Tubiana, présidente de l'Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI), nommée facilitatrice du débat. Le choix est judicieux. Connaissant bien les négociations internationales et en contact avec les acteurs économiques et les ONG, elle offre des garanties de neutralité appréciables et elle est bien placée pour comprendre de ce qui peut se règler au niveau local, national et ce qui implique une négociation au niveau européen et mondial.

Lors de l'émission, elle a dit vouloir sortir des contradictions d'une démarche comme le Grenelle de l'environnement qui a débouché sur une liste de propositions visant à satisfaire les différents acteurs. Ce genre de liste est toujours faussement opérationnelle car les propositions sont en partie contradictoires entre elles et font l'économie d'un changement plus structurel. Or c'est ce changement qui est nécessaire si l'on veut réellement diviser par 4 d'ici 2050 notre consommation d'énergie fossile. Bravo, mais comment associer tous les citoyens à cette réflexion de fond? Son propos, sur ce point reste très vague. Je voudrais avancer trois propositions concrètes.

Tout d'abord, un authentique démocratie suppose des citoyens informés des faits, des enjeux et des points de vue. A fortiori pour une question complexe comme l'énergie qui touche à tous les aspects de la vie, de la société et des relations internationales. Sinon, on entend tout et son contraire et les citoyens sont submergés de discours d'experts. La seule solution est de créer très vite un site web de ressources documentaires, très bien structuré, avec un outil den avigation performant permettant à chaque citoyen et pour chaque débat local d'aller à l'essentiel, de relier les questions entre elles. Voir à ce sujet le dernier numéro de Passerelles consacré à la transition énergétique sur le site de la Coredem, www.coredem.info.

Ensuite, il faut comprendre le lien entre la floraison d'innovations et d'initiatives locales et citoyennes et un véritable cahngement systémique: Ces innovations, souvent passionnantes, ne sont pas à elles seules à l'échelle des changements et elles le savent bien. En réalité, pour qu'un changement systémique se produise il faut impliquer quatre catégories d'acteurs: les "innovateurs" qui montrent que le changement est possible; des "théoriciens" qui renouvellent le cadre de pensée, ce qui est indispensable dans le cas de l'énergie où il faut produire des ruptures profondes qui sont impossibles dans le cadre de la pensée économique actuelle; des "généralisateurs qui, comme dans les entreprises sont capables de faire passer du prototype à la grande série: des "régulateurs" qui peuvent changer les règles du jeu à l'intérieur desquelles chaque acteur agit au mieux de ses intérêts et convictions. L'enjeu du débat est de réunir ces quatre catégories et de dégager une nouvelle stratégie d'ensemble.

Enfin, il est impossible de concilier les objectifs contradictoires de la relance de l'emploi, de l'économie d'énergie et de lutte contre la précarité énergétique avec les outils classiques de l'économie, en particulier avec la fiscalité. Il faut mettre en débat des pistes radicalement nouvelles: reconnaitre que l'énergie fossile -la TEP- est à la fois un unité de compte, un moyen de paiement, une monnaie de réserve, bref qu'elle a toutes les caractéristiques d'une monnaie à part entière; concevoir -ce qui est élémentaire avec la monnaie électronique- que l'on ne peut utiliser la même monnaie pour ce qu'il faut épargner -l'énergie fossile- et développer -le travail humain-; fonder la gestion de la rareté énergétique sur des quotas territoriaux et individuels négociables