Le sommet de Bogota des villes sud américaines vient de s'achever. J'ai eu la chance d'y participer. Le sommet a été l'occasion d'élargir et de renforcer le Pacte de Mexico, qui réunit des villes décidées à assumer leurs responsabilités face au changement climatique.

Il était temps. En Colombie, le changement climatique n'est pas un concept abstraitt. Les pluies diluviennes des dernières années, avec la Nina, ont eu des conséquences catastrophiques. On sait l'importance de l'habitat spontané et des occupations de terres dans l'urbanisation du continent. Ces quartiers sont souvent dans des zônes inondables ou escarpées ; précisément celles qui ont subi de plein fouet les inondations. Les pauvres sont soumis à la double peine, à la précarité économique est venue s'ajouter la vulnérabilité à ces épisodes climatologiques extrêmes. Des quartiers entiers ont été engloutis sous la boue.

Pas besoin dans ces conditions d'expliquer la nécessité d'inventer un nouveau modèle de développement qui concilie les préoccupations sociales et environnementales. C'est déjà une évidence : comme partout ailleurs, les villes se retrouvent en première ligne, à la fois parce qu'elles sont les premières victimes du changement climatique et parce que la solution passe par elles : maîtrise de l'urbanisation, gestion de l'eau, développement des transports en commun, plans de prévention des risques, nouvelle conception des quartiers, efficacité énergétique. Dans un continent très urbanisé, au développement inégalitaire, où la corruption est la règle, où les services publics ont été souvent abandonnés au secteur privé, où la voiture individuelle reste le symbole de la modernité, l'ampleur des changements à entreprendre est impressionnante. Mais on peut aussi compter sur la vitalité des mouvements citoyens, sur leur volonté de contrôler l'action publique, sur leur mise en réseau, elle aussi à l'échelle du continent.

Le défi pour les réseaux de villes qui se créent est aujourd'hui d'aller au delà de sommets réunissant périodiquement les leaders politiques locaux. Il faut construire un véritable système d'échange d'expériences et en faire bénéficier l'ensemble de la population, engager une réflexion collective sur la gouvernance urbaine et un vaste programme de formation des fonctionnaires locaux, doter les villes de moyens techniques d'analyser leur métabolisme pour concevoir des stratégies à long terme, faire passer les élites économiques locales du clientélisme à la co-construction du bien public, créer des dispositifs de financement privilégiant les investissements contribuant à la transition vers des société durables, mettre en place de nouvelles politiques de transformation des quartiers d'habitat informel associant réellement les habitants, repenser les relations entre les Etats et les collectivités locales, concevoir des chartes locales de co-responsabilité définissant les modalités de partenariat entre acteurs, adopter pour guider l'action et permettre son évaluation par les citoyens des indicateurs reflétant les stratégies de changement.

Vaste programme ! Certainement un domaine privilégié de coopération avec l'Europe et les villes européennes. L'échec de Rio+20, l'incapacité des Etats à s'engager en commun sur une politique ambitieuse de transition rendent cette coopération internationale entre villes plus indispensable encore.Le pro chain sommet EU-Amérique latine se tiendra à Santiago. Et s'il décidait de mettre en place un partenariat stratégique entre villes européennes et sud-américaines ? Un tel partenariat a été décidé ce printemps avec les villes chinoises. Au delà des belles phrases, la Commission européenne sera-t-elle capable de mettre ce partenariat en musique ? L'avenir le dira. Mais au moment où, engluée dans une crise qui n'en finit pas, l'Europe a perdu son influence sur les affaires du monde et n'a pu à Rio qu'être figurant, se positionner par son double lien avec la Chine et avec l'Amérique latine sur cette transition des villes du monde aurait de quoi lui redonner du peps.