Malgré de nombreuses différences, rythme de croissance, taille, revenu de leurs habitants , les villes et territoires chinois et français sont confrontés à un défi commun : conduire la transition vers des sociétés durables, conciliant bien être de tous, cohésion sociale et diminution radicale des consommations d'énergie fossile et de ressources naturelles non renouvelables, de façon à rendre le fonctionnement de la société compatible avec les équilibres majeurs de la planète.

Les villes européennes continuent à entretenir un mode de vie et un type de fonctionnement trop dépendants d'un apport constant d'énergie fossile et de ressources naturelles. Les villes chinoises, avant même que la moyenne de la population ait atteint le niveau de vie à laquelle elle aspire, sont confrontées à des problèmes de plus en plus aigus de qualité de vie, de dégradation de l'air et de l'eau, de fossé entre les riches et les pauvres. Dans les deux cas il faut donc repenser le mode de fonctionnement des villes et plus largement les modèles de consommation et de vie.

Les récentes conférences internationales ont montré l'incapacité des États à prendre la mesure des urgences et à agir ensemble pour le bien commun. Les villes se trouvent donc en première ligne pour concevoir et mettre en œuvre cette transition. Elles ont besoin pour cela d'apprendre les unes des autres, de s'encourager mutuellement, d'adopter des outils communs de mesure de leurs progrès. Cela va du cadre de pensée qui guide la conception actuelle des villes et du système institutionnel qui façonne leur gestion aux politiques publiques mises en œuvre dans tous les domaines.

La conception qui prévaut encore aujourd'hui est celle de « villes mécaniques », dont les fonctions sont séparées, qui sont gérées par des institutions compartimentées, qui connaissent mal leur propre métabolisme (les flux de toutes natures qui entrent, qui circulent en leur sein, qui sortent). Il faudrait au contraire les considérer comme des écosystèmes complexes, apprendre à gérer les relations entre leurs différentes facettes, mieux valoriser l'énergie non renouvelable auxquelles elles font appel. Ce qui se profile, ce n'est pas un changement à la marge obtenu par des progrès techniques mais une véritable métamorphose.

Les coopérations entre la Chine et l'Europe à propos des villes et territoires sont déjà nombreuses : jumelages, programmes de recherche , coopérations sectorielles. Il faut prendre en compte ces dynamiques, les valoriser, rechercher les synergies entre elles. Il faut combiner deux dynamiques complémentaires : celle des villes d'un côté, celle des filières de production de l'autre. C'est de la convergence de ces deux efforts que dépendra la réussite de la transition.

Pour cela, il faut « planter le décor », comprendre quels sont les changements déjà en cours, les obstacles qui s'opposent à leur généralisation, identifier la diversité des dimensions de ce changement systémique, en bénéficiant des apports des réseaux de villes et de territoires qui se sont constitués depuis le début des années quatre vingt dix.

L'expérience accumulée au cours des vingt dernières années montre que la transition vers des villes durables, tant au plan écologique qu'au plan social, implique un bouleversement des modes de pensée et d'organisation. Les initiatives naissent de toutes parts, aussi bien des collectivités publiques que des citoyens et des entreprises, mais elles supposent pour s'épanouir de nouvelles formes de co-construction du bien public entre tous les acteurs ; elles naissent à tous les niveaux, depuis le local jusqu'au mondial, mais elles supposent pour s'épanouir de nouvelles formes de coopération entre eux ; certaines naissent d'innovations concrètes, d'autres d'une réflexion théorique mais elles supposent pour s'épanouir un constant aller et retour entre théorie et pratique ; elles appellent une vision partagée de la direction vers laquelle tendre et une capacité à se mettre en route en posant de premiers jalons, mais l'une ne va pas sans l'autre  ; certaines sont stimulées par des innovations techniques et d'autres par des changements de réglementation mais seule l'interaction entre les deux permet aux initiatives de se généraliser.

C'est donc par un apprentissage conjoint des stratégies de changement que l'on pourra se mettre à la hauteur de l'enjeu. Car aujourd'hui, vingt ans après le Sommet de la Terre de Rio, en 1992, force est de constater que les expériences sont nombreuses, que la conscience d'une nécessité de changer est largement partagée, mais que les changements réels ne sont pas encore à la mesure des nécessités.

Dix domaines peuvent être identifiés pour guider les progrès à accomplir :

  • La gouvernance des villes et territoires
  • Les outils de connaissance, de contrôle et d'évaluation
  • Les politiques de cohésion sociale
  • Les politiques de l'habitat,
  • Les politiques de transport et de gestion de la mobilité
  • La conception des quartiers et de la planification urbaine d'ensemble
  • Les relations entre filières de production et territoires, avec un accent particulier mis sur l'agriculture et les filières agro-alimentaires
  • Les politiques de réduction des flux matériels (économie circulaire, substitution de services aux biens, politiques d'achat public, traçabilité des filières globales)
  • La ville intelligente (utilisation des nouvelles techniques de gestion et transmission de l'information au service de la transition)
  • L'évolution des systèmes de pensée, des modèles économiques et diffusion de nouveaux modèles, notamment par la formation