La société civile européenne est vent debout contre le TTIP, le projet d'accord transatlantique. Et, au départ elle a raison. En 2013, les négociateurs européens se sont tout simplement trompés d'époque en voulant négocier selon un mandat secret un énième traité bilatéral de libre commerce soit disant pour booster la croissance.

Mais comme le disait très justement Pascal Lamy fin janvier à un petit déjeuner de la French American foundation, l'enjeu n'est plus d'abaisser des droits de douane mais d'harmoniser progressivement les normes s'appliquant aux différents biens, ce qui est une autre paire de manche. Car cette harmonisation a de fortes dimensions culturelles et ne sera possible que si l'harmonisation se fait par le haut, créant les nouvelles normes mondiales. Du coup, la négociation ne peut être que publique et longue !

Mais allons plus loin. Protection de qui et de quoi ? On pense tout de suite à la protection du consommateur et des producteurs. Mais quid de l'intégrité de la planète ? et c'est là que la société civile pourrait être à la manoeuvre, cesser de regarder uniquement le TTIP comme le cheval de Troie de la malbouffe et des OGM dans les assiettes européennes au plus grand profit des multi-nationales mais au contraire s'engager dans la brêche et dire : oui, le commerce bilatéral euro-américain de demain devra mettre en son cœur le concept de « filière durable », d'abord en imposant la traçabilité de la consommation d'énergie fossile tout au long de la filière, puis en définissant des normes de filière durable.

C'est aussi l'occasion pour l'UE de sortir de l'intégrisme du marché unifié : un marché bien plus unifié que ne l'est le marché américain. Reprenons l'idée de gouvernance à multi-niveaux appliquée au marché ; en même temps qu'on harmonise les conditions de production entre les deux côtés de l'Atlantique pour les voitures ou les téléphones portables, redonnons du mou au fromage de chêvre écoulé localement.

Ne nous bornons pas à boxer pour empêcher le TTIP de passer, même si c'est le sport favori d'une partie de la société civile ; faisons du judo pour utilser l'énergie néolibérale au service de la transition vers de sociétés durables.