Le grand retour en avant de l'économie à l'oeconomie
Par Pierre Calame le mardi 15 mai 2018, 10:50 - Lien permanent
On ne peut lutter contre un modèle de pensée, dépassé mais ayant le mérite de la cohérence, qu’en jetant les bases d’une alternative douée d’une cohérence de même force. C'est le sens de ma quête.
Depuis qu'en 2009 les Editions Charles Léopold Mayer, ECLM, avaient publié le gros volume intitulé « Essai sur l 'oeconomie », j'avais envie d'en tirer un petit bouquin. C'est chose faite. Un petit traité d'oeconomie vient de voir le jour aux ECLM. Ci-joint le sommaire. Le premier raconte une recherche, le second en expose les résultats.
L'envie et la nécessité de formuler une autre théorie de l'économie ne datent pas d'hier.
Dès 1971, travaillant sur le développement urbain de l’Algérie, j’avais découvert que le « voile monétaire » empêchait de distinguer les flux d’échange d’un territoire avec l’extérieur des flux d’échanges internes, ce qui rendait sa réalité difficile à appréhender.
Puis, dirigeant les services du Ministère de l’Équipement dans une région en pleine crise industrielle du Nord de la France, j’avais constaté que notre conception de la monnaie et de l’économie rendait pratiquement impossible la mobilisation des bras ballants au service des besoins non satisfaits.
Les deux dernières décennies du vingtième siècle ont confirmé mes doutes en y ajoutant une composante essentielle : l’incapacité de la théorie dominante à gérer les relations, pourtant décisives, entre l’humanité et la biosphère.
Nous avons besoin d'une autre théorie économique. Les candidats à la relève ne manquent pas, de l’économie marxiste au développement auto-centré, de l’économie sociale et solidaire au développement durable. Aucun ne répond aux exigences.
Depuis quelques années, sur fond de désillusion à l’égard des grandes idéologies, des myriades d’innovations locales ont fleuri. Suffit-il d’attendre qu’elles se multiplient pour qu’émerge une économie à la hauteur des défis de la transition ? J’en doute.
On ne peut lutter contre un modèle de pensée, dépassé mais ayant le mérite de la cohérence, qu’en jetant les bases d’une alternative douée d’une cohérence de même force. C'est le sens de ma quête.
L'étymologie m'a mis sur la voie. Jusqu'au milieu du 18ème siècle on parlait d'oeconomie et non d'économie : de oïkos (maison) et nomos (loi). L'oeconomie désignait le sage gouvernement de la maison pour le bien commun de la famille. Entendons au 21ème siècle : « le sage gouvernement de la planète au service du bien commun de l'humanité ». L'oeconomie est donc une branche de la gouvernance.
Ayant au fil des décennies montré que la gouvernance devait satisfaire à un certain nombre de principes constants, je me retrouvais en pays de connaissance. D'où l'idée de « grand retour en avant, de l'économie à l'oeconomie » : « grand retour » parce que les défis du 21ème siècle, la gestion d'une planète limitée et fragile, sont très comparables à ceux qui prévalaient avant la révolution industrielle ; « en avant » parce que ces défis doivent être relevés avec toutes les ressources intellectuelles et techniques dont nous disposons aujourd'hui.
D'où le plan du petit traité. Dans la première partie, je soumets l'économie actuelle aux critères découlant des principes de gouvernance, ce qui révèle ses insuffisances. Et dans la seconde j'explore ce que devrait être une oeconomie qui satisfasse à ces principes. Ce qui m'amène à revisiter par exemple la légitimité des acteurs de l'économie et de la finance, la monnaie, les régimes de gouvernance des biens et services, le rôle des territoires et des filières.
L'oeconomie, ce n'est pas du prêt à penser, une doctrine qu'il suffit de mettre en œuvre. Ce sera le fruit d'une invention collective dont les principes de gouvernance servent de guide. Mon petit livre propose un cadre pour cette invention.