Mesdames et Messieurs le représentants du peuple français

Les faits sont cruels. Après trente ans de discours, d’avertissements catastrophiques, de traités internationaux, de marches de protestation, d’appels à responsabilité, seules les crises économiques et sanitaires, la crise financière de 2008 ou la crise sanitaire de 2020 ont été en mesure de réduire, temporairement, l’émission mondiale de gaz à effet de serre. Ce qui signifie que malgré toutes les déclarations d’intention notre modèle économique repose, comme par le passé, sur une forte corrélation entre PIB et empreinte écologique.

Les tendances ne sont pas identiques dans toutes les régions du monde. En Europe comme en France, les émissions territoriales sont en net recul. Mais ce recul est en grande partie en trompe l’oeil du fait des émissions induites par les importations qui n’apparaissent pas sur notre territoire mais font partie de notre empreinte écologique. C’est ce que vient de nous rappeler, en octobre 2020, le rapport du Haut Conseil au Climat. Il montre que notre empreinte carbone a augmenté de 1995 à 2005 et connaît depuis lors une diminution, se situant aujourd’hui autour de 11,5 tonnes par habitant et par an, au même niveau qu’en 1995. Depuis les années 2010 les émissions importées ont dépassé les émissions sur le territoire national.

Un changement radical de notre modèle de vie et de développement s’impose. Qui en doute encore ? Mais comment changer de braquet ? Avec quels outils économiques ? Motus et bouche cousue.

Organisons en France un  débat ouvert sur la manière d’être à la hauteur des engagements que nous prenons. Passons d’une obligation de moyens à une obligation de résultat. Nous nous sommes engagés à plafonner notre empreinte carbone globale annuelle et réduire le plafond de 6 à 7 % par an. Débattons publiquement de la manière de le faire en conciliant l’efficacité des moyens engagés et l’exigence de justice sociale sans laquelle la charge de l’ajustement sera inévitablement reportée sur les plus pauvres. Débat d’autant plus urgent que c’est à l’échelle de l’Union européenne et dans le cadre du Nouveau Pacte Vert que doit s’organiser, du fait de l’ampleur des échanges intra-européens, ce passage d’obligations de moyens à une obligation de résultat.

Nous appelons les scientifiques, les économistes, les différentes composantes de la société à accepter un débat ouvert sur les solutions respectant cette double obligation de résultat. Nous proposons que les alternatives mises en évidence par ce débat fassent ensuite l’objet d’une délibération citoyenne, dont la récente Convention citoyenne pour le climat a montré avec quel enthousiasme et quel sérieux les citoyens pouvaient se saisir de questions réputées complexes mais qui engagent l’avenir.

Débattre publiquement des réponses à apporter à l’un des problèmes les plus cruciaux de notre temps est une condition majeure de la démocratie. La Convention citoyenne pour le climat, qui a remis son rapport en juin dernier a montré le désir des citoyens ordinaires de s’impliquer dans ce débat, de s’informer, de confronter leurs points de vue. Elle a par contre pâti du mandat qui lui avait été fixé et des bornes posées à ses délibérations : en privilégiant les émissions de gaz à effet de serre sur le sol national et en étant invités à passer en revue des moyens concrets d’agir dans des domaines proches de la vie quotidienne, se loger, se nourrir, travailler, se déplacer, consommer, les membres de la Convention n’ont pas été en mesure de changer de perspective, de partir d’une obligation de résultat, celle de réduire annuellement le total de notre empreinte carbone dans un souci de justice sociale. De ce fait, les nombreuses mesures intéressantes qu’ils ont proposées ne sont pas à l’échelle du défi climatique, ne permettent pas de transformer en profondeur notre modèle économique.

L’appel à débat ci-dessus vise à combler ce fossé. Et, pour cela, il faut que l’on mobilise le meilleur de l’expertise scientifique, le meilleur des engagements militants pour confronter les réponses possibles, à charge pour les citoyens et leurs représentants de se saisir de ces propositions et de dessiner une nouvelle voie pour la France. Au moment où l’on va décider à l’échelle européenne d’un nouveau Pacte Vert, d’une nouvelle ambition pour l’Union, il serait vital que le gouvernement et le Parlement français viennent porter à la table de négociation ces perspectives nouvelles, pour que l’Europe soit à la hauteur de ses responsabilités historiques dans la sauvegarde de la planète et puisse être reconnue à l’échelle internationale comme la région qui montre la voie.

L’appel et la liste de ses signataires paraîtra dans différents media au mois de novembre. Il est déjà signé par des personnalités aussi compétentes et diverses que Jean Jouzel, ancien vice président du GIEC, Christian de Perthuis, fondateur de la chaire d'économie du climat, Michèle Rivasi, députée au Parlement européen, Corinne Lepage, ancienne  Ministre de l'environnement, Michel Berry, fondateur de l'Ecole de Paris du Management, Dominique Méda, sociologue, titulaire de chaire au Collège d'études mondiales, Géraud Guibert, fondateur de la Fabrique écologique, Bettina Laville, présidente du Comité 21, Jean François Caron maire de Loos en Gohelle, Gilles Berhault, président d'honneur du Comité 21, Armel Le Coz, président de Démocratie Ouverte, Denis Clerc, économiste, Patrick Viveret, ancien conseiller à la Cour des comptes, auteur de "Reconsidérer La Richesse",Yannick Régnier, responsable territoires au CLER- réseau pour la transition énergétique, Yves Cochet, ancien ministre de l’environnement, Paul Quiles, ancien ministre, Paul Tran van Thinh, négociateur honoraire de l’Union européenne…

Il est essentiel que les élus du peuple ne soient pas absents de cet appel, montrent qu’ils partagent cette ambition et qu’ils sont prêts à en accueillir les conclusions pour susciter un débat de fond au sein des deux chambres. C’est avec cet espoir que nous vous le soumettons. Si vous êtes d'accord pour signer cet appel, merci de l'indiquer sur le site: www.acclimater.fr

Bien à vous

Pierre Calame