Dans le prolongement des Assises du climat que j'ai organisées de février à avril 2021 avec Armel Prieur et dont je vous ai présenté les conclusions, reprises ici en pièces attachées, Ouest France, le journal généraliste le plus lu de notre pays, a publié dans son édition du 9 octobre, une courte tribune soulignant les questions, essentielles à nos yeux, qui ne seront pas abordées à la COP26 de Glasgow. Vous la trouverez ci-jointe et le texte de la tribune ci-dessous:

"COP26 de Glasgow. Dans un article récent, Stéphane Foucart, journaliste au Monde, s’interroge sur le rôle des rapports du GIEC. Fondamental au départ, pour faire prendre conscience de l’ampleur du risque climatique et de l’urgence d’agir, le GIEC ne serait-il pas devenu, avec ses mises en garde répétées, une sorte de caution de l’inaction des gouvernements ?

La même question se pose pour les COP. L’image de liesse et d’autosatisfaction des organisateurs de la COP21 et de l’Accord de Paris en sont le vivant exemple : pour la première fois peut-être, un accord international sacralisait la schizophrénie, les gouvernements s’engageant avec une belle unanimité à maintenir une hausse des températures moyennes très en dessous de 2° et additionnant des engagements nationaux non contraignants qui, eux, conduisaient à une élévation de plus de 3°. Peut on alors s’étonner que les COP ne servent plus qu’à des négociations internationales aussi laborieuses que vaines, dangereuses car laissant croire que le problème est effectivement pris en charge, ce qui est faux.

Glasgow échappera-t-elle à ce rituel d’impuissance collective ou sera-t-elle l’occasion d’aggraver un peu plus encore notre empreinte écologique en rassemblant des milliers de participants s’entretenant dans l’illusion d’écrire l’histoire ? On dispose d’un moyen simple de le savoir : vérifier si trois notions essentielles y trouvent ou non leur consécration : la propriété des puits de carbone et la gestion des communs mondiaux ; une obligation de résultat annuel ; un droit international de la responsabilité.

Les puits de carbone. Le grand écologiste indien, Anil Agarwal se posait déjà la question il y a plus de quarante ans. Sans ces puits, à commencer par les océans, la planète serait déjà invivable. Bien commun par excellence, ils sont en fait appropriés pour leur usage exclusif par les sociétés et les personnes qui émettent le plus de dioxyde de carbone. A bien commun gestion commune. Cela fait plusieurs décennies que les pays riches prétendent prendre des engagements financiers massifs au profit des pays pauvres, premières victimes du réchauffement climatique, sans jamais passer à l’acte. Il suffit de tarifer l’usage des puits de carbone !

Une obligation annuelle de résultat. Cela fait plusieurs décennies que l’on met bout à bout des politiques sectorielles qui ne sont jamais à la hauteur des nécessités et que l’on prend des engagements à dix ou vingt ans que personne ne se sent jamais tenu de respecter. Que dirait-on d’un médecin qui prescrit pendant trente ans des remèdes inefficaces et se propose simplement de changer la dose ? La solution est pourtant très simple : seule une obligation de résultat annuel, donc vérifiable et opposable, conforme à nos engagements internationaux est de nature à impulser les changements radicaux qui s’imposent, tout en laissant le temps de les mettre en place. Dans le cas de la France, nos engagements internationaux nous imposent une réduction de 6 % par an de notre empreinte écologique totale où que se soient produites les émissions de gaz à effet de serre induits par notre mode de vie. Et les Assises du climat ont mis en évidence les quatre critères de jugement des politiques climatiques : la prise en compte de la totalité de l’empreinte écologique, ; un mécanisme économique conduisant effectivement à ce résultat, c’est à dire un rationnement des émissions et une répartition de ce rationnement entre les citoyens ; la justice sociale ; la capacité de mobilisation de tous les acteurs. En pratique, une seule politique semble respecter ces quatre critères : des quotas individuels négociables.

Un droit international de la responsabilité. Notre conception de la « responsabilité limitée » des différents acteurs publics et privés a conduit en pratique à des sociétés à...irresponsabilité illimitée. On en voit les résultats. L’obligation de résultat doit d’urgence être opposable en droit international à tous les chefs de gouvernement, à charge pour eux de mettre en place les mécanismes effectifs de cette obligation de résultat. Pour y parvenir, l’Europe doit prendre l’initiative en adoptant une Convention européenne des responsabilités humaines qui soit le pendant de la Convention européenne des droits de l’homme et qui bénéficie des mêmes instruments juridiques. Et, au plan français, qui puisse donner un fondement juridique à la mise en cause pénale des gouvernants qui n’auraient pas souscrit ou pas respecté, faute d’adopter les mesures nécessaires, l’obligation de résultat".