Madame, Monsieur les députés

Elections présidentielles élections législatives. Ce printemps se jouent les perspectives des prochaines années pour la France. L'ambition et la vision sont elles au rendez vous et à la hauteur des défis de nos sociétés, face aux bouleversements du monde et à l'urgence des défis environnementaux, à la nécessité de conduire une grande transition vers des sociétés écologiquement et socialement durables?

Sont elles de nature à réconcilier les jeunes avec la politique? de reconstruire la confiance entre les citoyens et les gouvernants? de convaincre nos sociétés que la démocratie est compatible avec la conception et la conduite de stratégies de transformation à long terme?

Hélas non. Mesures nationales préparées sur coin de table, slogans et coups de menton semblent devoir remplacer l'immense réflexion de la société sur elle-même dont les élections devraient être l'occasion. Faut-il nous y résigner? Non, non et non.

Un travail collectif a été entrepris pour nourrir de façon transpartisane les deux campagnes électorales. Il vient de déboucher sur un appel, ci dessous "osons les territoires!" et sur un cahier de propositions concrètes joint au présent message. Ouest France a ouvert déjà à leur sujet un débat public (tribune et entretien ci-joints).

Pourquoi " les territoires"? parce que nous pensons qu'il faut se décentrer, sortir de l’enfermement de la scène nationale sur elle même; que les territoires, bassins de vie, lieux d’enracinement concret de la société, espaces de coopération entre ses différents acteurs, sont appelés à jouer un rôle majeur dans la conduite de la transition systémique qui s’impose à nous; et que de ce fait il est fécond de penser le monde à partir des territoires, car chaque territoire, même marginalisé en apparence, est traversé par toutes les mutations du monde et constitue un espace privilégié pour penser ensemble notre avenir; pour le penser en vue d'agir à la fois localement et globalement.

Pourquoi "osons"? parce qu'il est impossible de penser et gérer demain avec les systèmes de pensée et les systèmes institutionnels hérités du passé.

Vous partagez ces convictions?Merci si c'est le cas de prendre le temps de lire, éventuellement de signer l'appel en allant sur le site http://osonslesterritoires.fr/, de le diffuser, d'ouvrir dans vos circonscriptions un débat sur les propositions, de réfléchir au rôle qu'elles pourraient avoir pour construire au sein de la future Assemblée un large consensus sans lequel, nous le savons tous, aucune réforme ambitieuse ne peut être menée à terme.

Merci de votre attention et de vos réactions.

Voici le texte de l'appel:

2022 : élections présidentielles et législatives en France ; présidence française de l’Union européenne ; trentième anniversaire du sommet de la Terre de Rio. La France, l’Europe, le monde. Trois échéances importantes. Les perspectives proposées aujourd’hui au peuple français par les différents candidats à la Présidentielle sont-elles à la hauteur ? Hélas non, pour deux raisons : la scène politique nationale, en polarisant l’attention, nous impose des œillères ; l’horizon temporel des mandatures présidentielle et législative nous rend myope, en occultant la nécessité d’inscrire les actions immédiates dans une transition à long terme.

Méprise grosse de dangers pour la démocratie : au moment où les États sont à la peine face à des défis qui les dépassent, œillères et myopie renforcent le doute sur la capacité des démocraties à relever efficacement les défis à long terme. L’évolution des sociétés appelle bien sûr des réponses collectives au niveau national : la mondialisation des échanges a creusé les inégalités sociales ; le vieillissement de la population déséquilibre notre politique de santé et nos régimes de retraite ; les modifications de la composition de la communauté nationale, notamment dans les jeunes générations, remettent en cause notre modèle traditionnel d’intégration ; réfugiés économiques, politiques et climatiques se pressent aux frontières de l’Europe ; le dérèglement du climat rend urgentes des politiques nationales, européennes et mondiales à la hauteur des défis.

Mais, comme le faisait observer Albert Einstein, nous ne pouvons pas résoudre nos problèmes avec la même pensée que nous avons utilisée lorsque nous les avons créés. Or, c’est cette illusion que nous retrouvons dans les débats actuels alors que c’est tout le système de pensée sur l’économie, la gouvernance, le droit, les relations entre les sociétés, qu’il faut transformer, en rompant avec la logique de domination qui structure nos rapports sociaux et notre rapport à la nature ; c’est tout le système d’acteurs hérités du siècle précédent, à commencer par le fonctionnement de l’État, qu’il faut repenser. C’est l’effort qu’a entrepris notre collectif.

D’abord en renouvelant la perspective, en reliant les crises actuelles à une crise plus profonde, celle des relations.  Elle  se manifeste dans de nombreux domaines : les rapports entre humanité et biosphère avec une « nature » réduite au statut de ressource à exploiter ; l’économie avec des acteurs dont chacun poursuit ses intérêts particuliers; la société avec une perte de la cohésion sociale que les politiques redistributives ne parviennent pas à rétablir et avec des rapports de domination qui se perpétuent entre les sexes, entre les âges, entre les positions sociales ; l’éducation, la science et la gouvernance où la spécialisation des disciplines et des politiques fait perdre de vue le caractère profondément interconnecté des problèmes ; les relations entre sociétés, dominées par des rapports  de force entre  États, incapables de créer une communauté de destin et de gérer les biens communs. Ce changement de perspective nous munit d’une boussole, créer ou réparer les relations: en soutenant les acteurs les mieux capables d’organiser les relations en leur sein, territoires et filières ; en développant la coopération entre niveaux de gouvernance ; en renouvelant en profondeur notre système éducatif ; en redéfinissant le contrat social, expression de l’équilibre entre droits et responsabilités ; en mettant la coopération au cœur de la vie économique et des politiques publiques.

Ensuite en se décentrant, en sortant de l’enfermement de la scène nationale sur elle même. Nous sommes convaincus que les territoires, bassins de vie, lieux d’enracinement concret de la société, espaces de coopération entre ses différents acteurs, sont appelés à jouer un rôle majeur dans la conduite de la transition systémique qui s’impose à nous. Il faut penser le monde à partir des territoires, car chaque territoire, même marginalisé, est traversé par toutes les mutations du monde et constitue un espace privilégié pour penser ensemble notre avenir. Le penser pour agir à la fois localement et globalement. Car les initiatives qui fleurissent dans tous les territoires, à travers lesquelles beaucoup retrouvent le goût de l’engagement, se heurteront à un plafond de verre si des transformations au niveau national, européen et mondial ne sont pas simultanément conçues et conduites.

Mise en perspective et décentrement nous conduisent à un ensemble de propositions, inspirées d’une boussole capable de mobiliser les énergies et les différentes générations autour d’un projet fédérateur à long terme. Elles sont organisées en deux parties : -les conditions à réunir pour faire des territoires des acteurs majeurs de la transition ; - la réforme des politiques françaises et européennes au service du bien commun. Nous appelons tous ceux qui partagent notre inquiétude à l’égard de la pauvreté actuelle des débats à dépasser les clivages partisans qui stérilisent aujourd’hui la réflexion et le dialogue et à enrichir et porter ces propositions soumises aux candidats à la Présidence.