Le Manifeste "Osons les territoires!", publié par les Editions du Pommier (3,5 euros), résume le travail mené par le collectif eponyme pour porter des propositions à l'occasion des échéances électorales de 2022. Il défend l'idée d'une "boussole de la seconde modernité", visant à reconstruire les relations dans tous les domaines et le rôle éminent que sont appelés à y jouer les territoires, qu'il s'agisse du climat, de l'éducation, de la santé, du vieillissement de la population ou de la cohésion sociale. Autant de thèmes qui vont être abordés à l'occasion du Conseil national de refondation. Un noyau dur du collectif, dont je fais partie, a donc pensé utile de montrer concrètement l'apport possible des territoires dans tous ces sujets. Il a décidé de se focaliser sur la "sphère de l'éducation et de la formation". La tendance actuelle du gouvernement est de se focaliser sur la réforme de l'école, conçue nationalement, pour inviter ensuite les territoires à en être de simples points d'application. Nous pensons au contraire, ce que reflète la formule un peu ampoulée que nous avons décidé d'utiliser, "la sphère de l'éducation et de la formation", qu'il faut penser comme un tout les conditions dans lesquelles personnes et sociétés acquièrent la capacité à comprendre et à agir, individuellement et plus encore collectivement, face aux grands défis de notre temps. Et c'est bien à l'échelle des territoires que cette appproche globale peut se concevoir. C'est le sens de l'appel ci-dessous:

__"Appel à repenser la sphère de l’éducation et de la formation en partant des territoires.

Nos sociétés vont devoir faire face à des défis immenses et inédits : l'interdépendance entre les sociétés au niveau mondial, le réchauffement climatique, le vieillissement de la population, le renouvellement du modèle économique, pour ne citer que quelques uns. Pour relever ces défis nous devons nous doter d'une capacité collective à les comprendre et à les affronter. On entend par « capacité collective » d'une part la combinaison des compétences individuelles, d'autre part les capacités à coopérer.

Le fossé entre l'accumulation des connaissances et techniques et notre capacité à faire face aux défis communs illustre la crise des modalités d'acquisition et de transmission des savoirs, savoir être et savoir faire, ce que l’on pourrait qualifier de sphère de l’éducation et de la formation, qui englobe les institutions formelles de transmission des connaissances, depuis l'enfance et tout au long de la vie, et, plus largement, tous les processus d'acquisition de compétences, tous les processus de transmission des valeurs et des savoir faire que met en oeuvre la société.

Nos crises, comme le souligne le Manifeste « Osons les territoires ! » sont des crises multiformes des relations, y compris, pour chacun d’entre nous, les relations entre émotion et raison, réflexion et action. Nous devons, pour y faire face, nous laisser guider par la boussole de la seconde modernité qui inspire la création ou recréation des relations dans tous les domaines.

Relever les défis implique l’invention ou l’acquisition des compétences individuelles et collectives, des savoir faire et savoir être nécessaires pour les comprendre, assumer nos responsabilités à leur égard et agir ensemble pour y répondre. Invention ou acquisition qui se situent à différents horizons : depuis la nécessité de former rapidement des professionnels capables de comprendre et relever les défis jusqu’à la formation des générations futures, de la petite enfance au grand âge.

Une juxtaposition de réformes des différentes composantes de la sphère de l’éducation et de la formation ne suffit pas. C’est d’une approche intégrée de sa transformation dont nous avons besoin.

Le territoire, bassin de vie ou d'emploi, espace où se déroule l'essentiel de la vie de la société et écosystème d'acteurs susceptibles de coopérer entre eux, est le niveau privilégié pour concevoir et transformer de façon intégrée l'ensemble de la sphère de l’éducation et de la formation car c'est un espace privilégié reconstruction des relations, d’exercice des responsabilités mutuelles des acteurs les uns vis à vis des autres, d’association des savoirs, savoir faire et savoir être, de prise en compte des besoins à court et long terme de la société.

Chaque territoire est traversé par des défis mondiaux qui sont tous « glocaux », c'est à dire à la fois mondiaux et locaux. C’ est aussi un espace privilégié pour la compréhension systémique de la société, pour l'apprentissage et le déploiement de la coopération, pour l’association de la pensée et de l'action. On peut même dire qu’une « ville intelligente » est avant tout une ville qui rend ses citoyens intelligents parce qu’elle leur offre mille occasions de développer une compréhension collective des enjeux et de s’en saisir ensemble, faisant du territoire une occasion permanente d'apprentissages formels et informels tout au long de la vie comme cherche à le promouvoir l’UNESCO avec le réseau des villes apprenantes.

Forts de ce constat, nous pensons qu'il faut aborder la transformation de la sphère de l’éducation et de la formation non par une démarche descendante par laquelle l'Etat définirait un ensemble de réformes, à charge pour les territoires de les mettre en œuvre mais, au contraire, par une démarche ascendante, en application du principe de subsidiarité active : chaque territoire construit sa propre compréhension de la sphère actuelle, définit ce qu’elle devrait devenir pour répondre aux exigences que l'on vient de décrire et esquisse une stratégie de transformation, y compris en interpellant les niveaux national et européen lorsque les blocages se situent à ce niveau. Puis on dégagera à partir de la confrontation de différentes expériences territoriales les principes qui pourraient s'appliquer à tous.

Nous appelons territoires, entreprises, institutions et professionnels de l’éducation et de formation, réseaux de collectivités, d’universités et de la société civile, syndicats patronaux et de salariés à se joindre au collectif « Osons les territoires ! » pour porter cette ambition et des propositions concrètes de réforme à l’occasion des travaux du Conseil national de refondation.

Le collectif « Osons les territoires ! ». Novembre 2022" __

Serons nous capables de faire oeuvre utile sur un sujet souvent monopolisé par des spécialistes? tout dépendra de l'écho que va rencontrer notre démarche, pour structurer un vrai travail collectif, réunir des compétences complémentaires, mobiliser des collectivités territoriales, des institutions académiques, des formateurs, des entreprises, des réseaux de la société civile, confronter les expériences les plus novatrices d'où qu'elles viennent. Merci à ceux qui seraient intéressés à participer à la démarche de me le préciser en réponse à ce billet blog. Grâce à Ar Nevez (ar-nevez.org) nous aurons le 13 décembre prochain une première occasion d'échange entre différents types d'institutions bretonnes, centrée sur les compétences nécessaires dans un territoire pour relever conjointement les défis de l'eau, de l'énergie et du climat; ce sera un test de l'intérêt des acteurs régionaux pour une réflexion renouvelée sur l'acquisition des compétences nécessaires; En fonction de vos retours et des résultats de ce premier test, je m'engage bien sûr à dire rapidement aux personnes qui auront manifesté leur intérêt si nous décidons d'aller de l'avant en fixant ensemble une feuille de route ou si les conditions ne sont pas réunies pour le faire.

Dans l'attente

Bien cordialement

Pierre Calame