Poussons le Gouvernement et le Parlement à organiser des Etats généraux de la société française
Par Pierre Calame le samedi 26 octobre 2024, 12:56 - Lien permanent
Nous aurons besoin pour faire avancer l'idée et plus encore pour la mettre en œuvre si l'écho politique est à la hauteur de l'ambition, de toutes les énergies et de toutes les expertises.
Chers amis
Dans mon billet de juin 2024 j'évoquais l'urgence pour les partis politiques d'actualiser leur logiciel intellectuel et institutionnel, la montée du RN dans l'opinion reflétant l'insatisfaction croissante à l'égard d'une offre politique qui ne répond plus aux défis à venir de la société. Et, dans le billet du 10 juillet, j'évoquais, au lendemain des résultats des élections législatives anticipées qui promettaient un pays ingouvernable, la nécessité de faire de cette crise une opportunité en lançant un vaste processus de réflexion collective de la société française sur elle-même: des États généraux.
Grâce aux retours positifs d'un certain nombre d'entre vous nous avons pu rédiger collectivement l'"Appel pour des États généraux de la société française" que vous trouverez ci-joint et ci-dessous. Signé maintenant par plus de deux cents personnalités et différents réseaux de collectivités territoriales ou de la société civile, dont vous trouverez la liste à https://etats-generaux.org/2.html, il a été publié par le journal Le Monde le 18 octobre dernier. Ces avancées nous ont conduits à rédiger un document plus précis détaillant le processus à mettre en œuvre, les conditions de sa faisabilité, les thèmes abordés, les méthodes, les étapes. Vous trouverez également ce document ci-joint.
Nous aurons besoin pour faire avancer l'idée et plus encore pour la mettre en œuvre si l'écho politique est à la hauteur de l'ambition, de toutes les énergies et de toutes les expertises. Nous mentionnons d’ailleurs dans le document la création des quatre bases de connaissance nécessaires à des processus de démocratie délibérative: les données clé, les expériences étrangères, les réflexions et propositions, les expériences innovantes des territoires. Seul le concours de tous permettra de les nourrir.
Ce sont ces avancées et ces défis que je souhaitais partager avec vous. Merci de vous joindre aux signataires de l'appel si vous vous reconnaissez dans cette initiative. Cette signature vaut aussi désir de contribuer à la réussite de l'aventure si, comme nous l'espérons, elle trouve un débouché politique.
Bien cordialement
Pierre Calame
__ APPEL POUR L'ORGANISATION D’ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
Appel citoyen pour l’organisation d’ États généraux
Les profondes transformations du monde bousculent les certitudes et ébranlent les positions acquises, elles appellent des réponses nouvelles que le système politique est bien incapable de proposer, pas plus à gauche qu’à droite. Non seulement cet effort n’a pas été sérieusement entrepris, mais la déception est grande par rapport aux espoirs des années 2010.
Que d’occasions manquées, ne serait-ce que par le pouvoir actuel ! Les dizaines de milliers de cahiers de doléance, rédigés en réponse à l’appel à un « grand débat national » après la crise des « gilets jaunes », vite enfouis dans des cartons ; le Conseil national de refondation mort avant même d’avoir fonctionné : à chaque fois, la verticalité du pouvoir a pris le dessus et étouffé toute réflexion collective. La tyrannie du temps (illusion d’agir en multipliant les projets de loi, succession de campagnes électorales, programmes politiques bâtis sur un coin de table...), a empêché depuis des années d’associer vraiment les citoyens à la définition et la mise en œuvre de l’action publique et dispensé le monde politique de toutes ces réflexions de fond.
De nombreux collectifs se forment au sein de la société civile, un peu partout des initiatives locales fleurissent, les expériences de démocratie délibérative confirment la capacité des citoyens à se saisir ensemble de sujets réputés complexes : autant de signes d’une société en mouvement, autant de perspectives esquissées mais qui se heurtent au plafond de verre d’un cadre conceptuel et institutionnel hérité du passé et inadapté au monde qui vient.
Où est la réflexion sur les valeurs et sur la place des responsabilités mutuelles dans un monde interdépendant ? Où est la réforme de la gouvernance en reconnaissance du rôle central des territoires de vie et du fait qu’aucun problème ne peut être résolu à un seul niveau ? Où est la pensée nouvelle sur l’économie pour inventer des réponses au réchauffement climatique dans le respect de la justice sociale ? Où est la pensée nouvelle sur la monnaie, condition pour qu’une augmentation forte des bas salaires ne se traduise mécaniquement par le creusement du déséquilibre commercial ?
Alors, après les législatives, crise de régime et pays ingouvernable ? Non ! Au contraire une chance historique que notre pays doit saisir en mettant à profit ce répit à la frénésie normative pour organiser une vaste réflexion collective permettant à notre pays de redéfinir sa place dans un monde interdépendant en associant à cet effort toutes les forces vives du pays par une démarche inclusive de dialogue, de confrontation sereine des différentes transformations structurelles à entreprendre, en recherchant le noyau dur des faits et des convictions partagées plutôt que les différences permettant de se singulariser.
Au cours des siècles, quand la France s’est trouvée dans l’impasse, ont été organisés des États généraux permettant un effort de cette nature.
Nous soussignés, citoyens convaincus de cette nécessité aujourd’hui, appelons à l’organisation d’États Généraux.
Nous faisons le pari que cette démarche inclusive sera si riche qu’elle inaugurera pour notre pays l’ère de la démocratie permanente, qu’elle créera l’habitude, face à de nouveaux défis, de réfléchir ensemble, sereinement, inclusivement. Car la politique est, ou devrait être, avant tout une éthique, de l’écoute mutuelle et de l’objectivité, et une méthode, d’élucidation des enjeux, de délibération et de recherche de solutions conciliant au mieux les attentes diverses de la société.
Quel sera le champ de ces États généraux ? Le changement d’ère. Depuis trois siècles, la «modernité» ou ce qu’il serait plus juste d’appeler la première modernité, a bouleversé le monde. Tirant sa formidable efficacité de la spécialisation, elle a, au cours du temps, provoqué une crise généralisée des relations entre humanité et biosphère, entre les personnes, entre les sociétés, et même entre raison et émotions.
En réponse s’est esquissée une seconde modernité aux contours encore imprécis. Le moment est venu de voir comment elle pourrait être dédiée à la réinvention de toutes ces relations. Il en découle les quatre grands défis dont devront se saisir les États généraux : • repenser l’économie et l’insertion de l’humanité dans la biosphère, dans un monde interdépendant aux ressources finies ; • repenser la gouvernance à tous les niveaux, du local au national, à l’européen et au mondial, et les conditions d’exercice de la démocratie à ces différents niveaux ; • redéfinir nos valeurs communes par un juste équilibre entre droits et responsabilités mutuelles; • repenser les relations entre les sociétés au sein d’une communauté de destin de l’humanité.
Et, sur la base de ces réponses nouvelles, proposer la réforme en profondeur d’un certain nombre de grandes politiques : la santé, l’éducation, la lutte contre le réchauffement climatique, le développement économique, les migrations, la citoyenneté, le travail, la défense…
La méthode adoptée pour organiser la réflexion collective devra être rigoureuse. Les États Généraux sont un processus nécessairement long, de deux ans. Ils partent de débats au niveau des territoires de vie, au plus près des réalités concrètes, puis ces réflexions sont confrontées entre elles pour en tirer des principes directeurs communs.
Ils doivent s’adosser toujours à une solide base factuelle, à un recensement des propositions nouvelles et à l’analyse des expériences étrangères. Ils appellent des contributions des différents milieux socio-professionnels. Ils distinguent la phase d’analyse de la phase des propositions et celles-ci devront préciser le processus de passage de l’état actuel à l’état futur. Et, pour cela, le processus doit bénéficier de moyens à la hauteur de l’enjeu. C’est par excellence un investissement d’avenir.
Soutenez cet appel en le faisant connaître, en apportant votre signature sur https://www.etats-generaux.org/, en invitant vos élus à le promouvoir