Les difficultés britanniques face au Brexit ont un instant donné aux institutions européennes le sentiment que la crise était derrière nous. Patatras ! Les élections italiennes remettent les pendules à l'heure. L'un des pays fondateurs de l'Union, parmi les plus fidèlement europhiles, manifeste dans les urnes sa perte de confiance dans l'Europe. De l'eau apportée aux moulins des Trump, Poutine et Erdogan pour lesquels la réussite de l'Europe serait un cinglant démenti à leurs thèses.

Car avant d'être un enjeu pour les peuples européens, la construction ou le détricotage de l'Europe est un enjeu mondial : la démonstration ou non que le dépassement pacifique des souverainetés ou, pour parler comme la juriste Mireille Delmas Marty, le passage de la souveraineté solitaire à la souveraineté solidaire, est possible (annexe 1 : de quelle Europe le monde a-t-il besoin ?).

Imagine-t-on le futur gouvernement italien se précipiter pour organiser des consultations citoyennes ? Ou que des dialogues par internet refléteront les préoccupations de tous les citoyens ? En janvier, dans mon précédent billet, j'actais le fait qu'il était maintenant trop tard pour organiser un vrai processus instituant citoyen avant les élections européennes. Est-ce une raison pour y renoncer ? Les élections italiennes m'ont convaincu du contraire.

De quelle Europe le monde a-t-il besoin ? D'une Europe lucide sur les grands défis mondiaux du vingt et unième siècle : faire émerger une communauté mondiale de destin ; se mettre d'accord sur des valeurs communes pour gérer ensemble une planète unique et fragile ; engager une révolution de la gouvernance dotant les sociétés d'une capacité nouvelle à gérer des défis complexes et à multi-niveaux ; concevoir et mettre en œuvre la transition systémique vers un mode de vie, de production et de consommation permettant d'assurer le bien être de tous dans le respect des limites de l'environnement. De la capacité collective à relever ces défis dépend l'avenir même de nos enfants et petits enfants. Chacun de ces défis trouve sa traduction concrète en Europe.

C'est là le fil directeur de la refondation du projet européen. Aucun de ces défis n'était identifié, il y a soixante ans, quand le traité de Rome a jeté les bases de l'Union européenne. Quelle réponse l'Europe peut elle et veut elle y apporter ? C'est la base du questionnement à soumettre aux citoyens (annexe 2 : Questions sur l'Europe : comment relever les quatre défis du 21ème siècle, 60 ans après la signature du traité de Rome).

Il n'a pas été possible de lancer un processus instituant avant les élections au Parlement. Dont acte. Lançons le après les élections. Commençons cette année à nous y préparer, par des démarches plus expérimentales, par des pilotes locaux. La Région Bourgogne Franche Comté et le Land de Rhénanie Palatinat (annexe 3), la région Centre Val de Loire (annexe 4), Eurocities (annexe5) nous ouvrent la voie.

De grâce, ne renonçons pas. L'Europe en vaut la peine.